« Ce n'est pas le vent qui décide de votre destination, c'est l'orientation que vous donnez à votre voile. Le vent est le même pour tous. »
INTERVIEW Le psychiatre Patrick Légeron, spécialiste du burn-out, revient sur cette maladie à l’occasion de la Journée européenne de la dépression… (Par 20minutes.fr)
La souffrance psychique au travail ne cesse de gagner du terrain. Elle frapperait 480.000 salariés en France, d’après l’Institut national de veille sanitaire (INVS). Certains développent même un burn-out, thème de la 12e Journée européenne de la dépression, qui se tient à Paris ce vendredi (1). 20 Minutes fait le point avec le psychiatre Patrick Légeron, spécialiste du burn-out et fondateur du cabinet Stimulus.
Nous n’avons jamais autant parlé de la souffrance psychique au travail et pourtant, elle est en constante augmentation. Quel est le problème ?
Il y en a deux. Primo, l’augmentation de la vague de stress liée à la pression de la crise. Secundo, la faiblesse des actions mises en place par les entreprises. Nous sommes passés du déni au faux-semblant. Mettre un numéro Vert à la disposition « des salariés qui ne vont pas bien » est loin d’être suffisant.
Que devraient faire les entreprises ?
Mettre en place des indicateurs évaluant le bien-être de leurs salariés. Elles ont des indicateurs pour tout – productivité, absentéisme, etc. – mais pas pour cela, alors que des outils existent. Elles pourraient former leurs salariés à mieux gérer leur stress. Former leurs managers à la gestion de l’humain. Ou encore réorganiser le travail de manière à donner de l’autonomie à leurs collaborateurs et du sens à leur travail.
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Mais les entreprises sont là pour gagner de l’argent…
Justement ! Les pays du nord de l’Europe nous le prouvent : l’humain est rentable. Quand une entreprise prend soin de ses salariés, l’absentéisme recule et la productivité s’accroît. Je ne comprends pas comment une direction générale peut espérer relever des défis économiques avec des salariés stressés. C’est comme si des généraux prévoyaient de gagner une guerre avec une armée d’estropiés.
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S’agit-il d’une spécificité française ?
En tout cas, en France, avoir l’air heureux au travail est suspect. Ne dit-on pas régulièrement « Mais nous ne sommes pas là pour rigoler ! ». Certes ! Mais nous ne sommes pas là pour souffrir non plus. Ensuite, les enquêtes le prouvent : les salariés français sont ceux qui s’estiment le moins considérés par leurs managers. Et pour cause : dans les écoles de management, les étudiants apprennent tout… sauf à manager.
N’est-il pas problématique de se plaindre de son travail quand tant de gens sont au chômage ?
Le chômage est un drame. Mais il ne doit pas empêcher de s’interroger sur la qualité du travail et d’entendre les souffrances des salariés. J’ai ce matin encore reçu en consultation deux personnes victimes de burn-out. L’une était prête à se suicider.
Justement, quels sont les profils les plus à risque ?
Les 45-55 ans et les femmes, confrontées à une double source de stress avec la gestion du foyer qui, malgré les évolutions, reste principalement à leur charge. Plus généralement, les profils à risque sont les salariés les plus impliqués. Je ne dis pas qu’il ne faut pas s’investir dans son travail mais, comme en matière financière, il faut savoir diversifier ses « placements ». Les médecins le répètent : il est nécessaire de conserver du lien social, de s’alimenter correctement, de faire du sport, de dormir suffisamment, de limiter l’alcool, le tabac et le café...
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